Écroué au pénitencier national sous l’accusation de viol et de détournement de mineure depuis environ cinq ans, Jimmy Joseph, dit Black All Be Sure, a été mis en liberté le 17 février dernier,

 
suite à une action en habeas corpus. Le chanteur vedette de King of Kings se remet de sa longue absence et annonce son retour sur scène dans les prochains mois. En attendant, Ticket vous rapporte une brève rencontre avec All Be Sure sur son séjour en taule.

Dieu seul sait durant combien de temps il a vraiment été prisonnier. La méringue à succés « All Be Sure pa konn konte … » ironiquement a laissé planer des doutes sur ce point de vue. L’artiste n’avait pas gardé secret ses lacunes : « All Be Sure pa konn konte … ». Mais heureusement qu’on a été vérifier. Le 29 juillet prochain lui aurait fait cinq ans d’emprisonnement.

Et bien voilà ! Il a encore ce grain d’humour, trait incontournable de son caractère, qui a fait le succès de ses méringues carnavalesques. Affable, décontracté et souriant, All Be Sure est sorti de son séjour au pénitencier national aussi frais et taquin qu’il y est rentré. La prison n’a pas réussi à lui arracher son sourire plaisant. Ni le rendre moins sociable qu’avant. « Men djab la, men djab la », plaisante-t-il avec les journalistes qu’il rencontre dans les escaliers du journal Le Nouvelliste.

Installé dans une petite salle fermée au troisième étage où il accorde l’entrevue à la rue du Centre, All Be Sure a un élan de joie envahissant. Avide de conversation, il aborde presque tous les sujets, sans s’attarder sur l’interrogation. Quand il se rend compte à peine qu’il était enfermé à quelques mètres du plus ancien quotidien d’Haïti, il soupire et hoche la tête. « Au lieu d’attendre le concours des médias durant toutes ces années, c’était facile de me faire entendre seulement en criant de toutes mes forces », réalise-t-il.

Si Blaze One a essayé d’illustrer la réalité du pénitencier national dans Prizon Federal, Black All Be Sure veut nous faire croire que c’est pire que ça. D’après la star adulée de King of Kings, nul ne peut connaître vraiment le calvaire quotidien des « Federal » s’il n’est pas passé par là. Parce qu’une fois que tu as franchi les portes de cette prison, « on te considère comme mort, révèle l’artiste d’un regard désespéré. Rien de ce que tu dis n’est pris en considération. Coupable ou non coupable, garde ça pour toi. Le même traitement est infligé qu’à celui qui a volé cinquante centimes et à celui qui a assassiné cinquante personnes. »

Les instants de joie au pénitencier national sont comme de courtes respirations qui passent aussi vite que l’éclair, explique All Be Sure. « Je ne garde aucun bon souvenir de là-bas, puisqu’il n’y en a presque jamais eu », dit-il. Avec des mots justes, le remords dans la voix, l’interprète de « Konte pa » tente de partager ce qu’il a vécu.

« La peur, l’ennui, la solitude, le découragement et la tristesse, c’est tout ce que tu ressens aussi longtemps que tu veux mener une vie normale dans la prison. Pénitencier se pa simityè, mais il te tient isolé de tout ce que tu aimes. Ça peut te rendre fou. On ne veut pas le croire, pourtant il est vrai qu’une cigarette peut se fumer avec plus d’une centaine de prisonniers jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Et quant à la nourriture, les repas sont généralement de mauvais goût. Il y a toujours un manque ou un excès de sucre ou de sel… »

Les conditions de vie au pénitencier national sont déshumanisantes, déplore Black All Be Sure. Les mots sont trop faibles pour décrire la réalité à laquelle sont confrontés les détenus, à en croire l’artiste.
« Il n’y a pas un lit pour chaque prisonnier, confie All Be Sure. Le soir chacun se débrouille comme il peut pour dormir. Ceux qui n’ont pas de lit passent la nuit debout ou dans des draps accrochés aux barreaux des cellules sous forme d’hamac. Une situation déplorable qui ne laisse aucun choix. Et ça m’a fait beaucoup pleurer à chaque fois que ma famille me rendait visite. Je ne pouvais pas leur expliquer la vie que je menais à l’intérieur. »

Pendant son incarcération, All Be Sure a regardé passer le temps à la fenêtre de sa prison sans rien faire. Temps qu’il dit avoir prévu pour planifier sa vie et pour relancer King of Kings. Mais son plus grand regret est de n’avoir pas été présent pour voir grandir ses deux enfants qui sont aujourd’hui des adolescents.

« Souvent, je me réveillais au milieu de la nuit à cause des cauchemars que je faisais. Après quoi, je ne parvenais plus à me rendormir jusqu’au lever du soleil. Pourtant, il m’arrivait quelquefois de rêver de liberté et d’évasion. Des moments d’espoir qui m’ont aidé à traverser cette épreuve.»

« Depuis mon arrivée au pénitencier national jusqu’à ma libération, je me suis toujours bien comporté. Les gardiens se sont parfois montrés très compréhensifs à mon égard. Parce que de l’autre côté, il y a des détenus qui profitent de leur emprisonnement pour se faire des tatouages, des percings et pour salir leur réputation. Certains arrivent même à introduire des objets massifs dans leur pénis par méchanceté. D’autres deviennent plus cruels… »

Quant à l’accusation portée contre All Be Sure, le chanteur continue à jurer qu’il est innocent et qu’il s’agirait plutôt d’un complot monté pour lui soutirer de l’argent.
« La demoiselle qui m’a accusé était ma copine. Elle avait vingt-quatre ans à l’époque. Lorsque ses parents m’ont fait arrêter et convoquer par-devant la justice, ils n’avaient même pas de preuves valables pour soutenir cette accusation. Après le tremblement de terre, mon dossier n’a pas été trouvé. Ce qui a prolongé carrément mes jours en prison. En fait, je dois des remerciements à Olivier Martelly, les journalistes et certains proches qui m’ont aidé à sortir du pénitencier national.»

Si la vie dans la prison était un pesant fardeau pour All Be Sure, elle lui a appris toutefois quelques petites leçons. « En prison, j’ai développé mon talent d’écriture, raconte Jimmy. Je prenais l’habitude d’écrire tout ce qui se passait dans un cahier, donc c’était devenu mon passe-temps favori. Lorsque je me sentais seul et que je perdais courage, je priais ou je jouais au football. »

Les quelques cheveux blancs qui accompagnent ses quarante-deux ans sont l’excès d’utilisation de teinture dans son jeune âge. Le rappeur ne veut pas entendre parler qu’il a vieilli d’un poil. « Actuellement, je tourne le nouveau clip de King of Kings. C’est un travail de qualité que l’on s’apprête à soumettre à l’appréciation du public. Les fans verront sous peu les progrès qu’on a faits. Mais surtout comment je suis devenu plus séduisant qu’auparavant, se vante Black All Be Sure. »

Dimitry Nader Orisma