Le droit, évidemment, est constitué de principes et de règles, entre autres. Et, en droit pénal, on le sait, ces principes et règles sont d’interprétation stricte. Read More

Le droit, évidemment, est constitué de principes et de règles, entre autres. Et, en droit pénal, on le sait, ces principes et règles sont d’interprétation stricte. À propos de l’existence ou non d’une quelconque infraction en droit pénal haïtien qui se nommerait viol, la question ne manquera pas de choquer. Pas étonnant : nous sommes sensibles, on dirait, et hypocrites, surtout. Mais le juriste, comme tout autre intellectuel digne de ce nom d’ailleurs, ne se plie pas à ce genre de convenances. D’autant qu’il lui faut, sous peine d’être faux, s’assurer prioritairement du respect des règles de sa propre profession. Mais aussi alimenter le débat pour au moins pousser à l’action contre la nonchalance caractéristique de notre législateur.

Le viol existe-t-il en France ?

La réponse ne souffre pas de débat : oui, il existe. Pourquoi ? Parce que le législateur permet à chacun comme à tous de le reconnaître, l’identifier, le caractériser. Car pour l’avocat, comme pour le juge (pénal), il ne s’agit pas de se référer au dictionnaire, mais au code. Pour voir les éléments constitutifs de l’infraction. Tout Français sait que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » (Art. 222-23, Code pénal français). On n’a pas à deviner la nature de l’acte. Aucune infraction ne va de soi.

Le viol, en Haïti, une infraction non identifiée (INI) ?

Comme l’Ovni (Objet volant non identifié) ou le UFO (unidentified flying object) des Anglo-saxons, ainsi se présente le viol en droit pénal haïtien. En effet, tout le chapitre des agressions sexuelles est un galimatias, un écheveau de choses enchevêtrées et indiscernables. Sans précision aucune. Surprenant d’ailleurs qu’on arrive à condamner des gens en Haïti pour ce genre de faits (je n’ai pas dit infraction). Comme si le juge devançait le législateur.
Car, il faut le dire, le viol, au lieu d’être une infraction, est sans conteste un projet d’infraction. En effet, nous sommes sûr que le législateur projette de punir le viol, et même qu’il le punit. Mais toujours est-il qu’il ne nous a pas encore dit ce qu’il entend punir. Sauf à sombrer dans un nominalisme encombrant. Qu’est-ce que le viol en Haïti ? Est-ce, peut-être, le fait de marcher nu quand il n’est pas encore 18 heures ? Ou le fait de se nourrir aux dépens d’une femme ? Personne ne sait.

Le législateur nous dit seulement que « quiconque aura commis un crime de viol ou sera coupable de toute agression sexuelle, consommée ou tentée avec violence, menaces, surprise ou pression psychologique contre la personne de l’un ou l’autre sexe, sera puni de dix ans de travaux forcés »(Art 278, Code pénal haïtien). Comme si, troublé, le législateur prenait pour allant de soi le fait ou l’acte correspondant à ce qu’il appelle viol. Il ne dit en effet que la peine applicable. Mais dans quel cas ? On l’ignore encore.

Modifier notre mode de légiférer : une nécessité

Il ne s’agit pas d’une défense d’actes de délinquance, mais d’un effort de réflexion pour garantir le droit. Le problème, nous l’avons déjà dit dans ces colonnes, c’est notre mode de légiférer. Nous reportons continuellement le travail pourtant nécessaire à chaque loi adoptée. Même dans la loi mère. Quelquefois, nous allons jusqu’à créer des catégories juridiques inexistantes juridiquement pourtant. Comme les « enfants adultérins » dont parle le code civil mais que nous ne rencontrons jamais dans la vraie vie. Car dans l’acte de naissance délivré par l’État, l’enfant est soit légitime, soit naturel. Pourquoi en parler si nous ne pouvons l’assumer ? Dès la première année des études de droit, on enseigne qu’une loi doit être applicable.

Ce que nous proposons :

Au lieu de continuer à violer le droit du peuple haïtien, en condamnant pour viol dans nos tribunaux, il faut forcer le législateur à le définir. De sorte que nous soyons en mesure de dire dans quelles conditions le viol est constitué. Car il ne correspond pas nécessairement à ce que dit le Français. Puisque les lois doivent se plier aux valeurs de leurs communautés. Un mari peut-il violer sa femme en France ? Oui ! Ce serait pareil pour Haïti, si le viol y existait juridiquement ? Un fort doute persiste. Cessons de fuir nos responsabilités, et mettons-nous au travail !