Des responsables de partis politiques ne trouvent pas de mots pour qualifier la décision du juge Lamarre Bélizaire consistant à blanchir Sonson Lafamilia et Renel Le Récif, préalablement accusés, entre autres, de séquestration contre rançon, trafic illicite de stupéfiants. Un très mauvais signe pour les prochaines élections, ont-ils dit au Nouvelliste. Certains s’y attendaient, d’autres pas. Une autre catégorie pensait que le juge d’instruction allait en profiter pour se racheter en se mettant pour une fois dans le « bon bò », celui de la vérité. Dans tous les cas de figure, la plupart des responsables de partis politiques interviewés par Le Nouvelliste dénoncent déjà une utilisation de l’appareil judiciaire à des fins électoralistes. « Avec la libération de Sonson Lafamilia, il n’y a pas de justice, nous sommes dans l’impunité. Cela remet en question la sécurité lors des prochaines élections », s’est exprimée la coordonnatrice de Fanmi Lavalas.

Selon Maryse Narcisse, avant même la tenue du scrutin, le pouvoir commence déjà à utiliser la justice contre ses adversaires politiques. Elle a cité à titre d’exemple l’arrestation la semaine dernière, à Ouanaminthe, du Dr Claude Joaza, candidat au Sénat pour Fanmi Lavalas dans le département du Nord-Est. Selon la police, il a été arrêté « pour incitation à la violence » après la mort d’un policier onusien.

La candidate à la présidence du parti politique de Jean-Bertrand Aristide a indiqué que le pays a une justice débalancée. « Cela nous porte à poser des questions sur le climat de justice qu’il va y avoir au moment des élections, a-t-elle dit, réclamant un climat de sécurité et de confiance pour la tenue du scrutin.

« Le procès de Sonson Lafamilia et Renel Le Récif est une parodie de justice », le porte-parole de l’organisation politique INITE n’y va pas par quatre chemins pour qualifier la décision du juge Lamarre Bélizaire. L’ex-député de la 49e législature a dit penser que dans ce dossier le juge d’instruction, objet de vives critiques, allait en profiter pour se racheter. « Je vois qu’il demeure le même fameux juge Lamarre », a dit Saurel Jacinthe, soulignant que sa décision ne fait pas honneur au pays.

Bien que INITE fasse partie du gouvernement, l’ancien député croit qu’il faut rester mobilisé et participer aux élections pour changer l’équipe au pouvoir.

Dans une note de presse, la plateforme politique Jistis que dirigent les avocats André Michel et Newton Louis St Juste condamnent la libération de Woodly Ethéart, alias Sonson Lafamilia, et de Renel Telfort, « présentés comme les principaux chefs du gang Galil, arrêtés après le kidnapping du commerçant Sami El AZZI en février 2014. La Plateforme Jistis rappelle que ce dossier n’était pas encore en état de recevoir jugement compte tenu de l’appel interjeté contre l’ordonnance de renvoi du cabinet d’Instruction. »

« …cette mascarade de procès, parodie de justice, ayant conduit à la libération des chefs présumés du gang Galil, participe d’un vaste plan consistant à utiliser l’appareil judiciaire pour évacuer le dossier de corruption des prévenus Sophia et Olivier Martelly, libérer Cliford Brandt et donner décharge par décret à ceux qui ont dilapidé les fonds du PetroCaribe… », lit-on dans la note de presse.

Pour sa part, le parti Fusion a exprimé dans un communiqué sa consternation et ses inquiétudes « face aux dérives de certains magistrats constatées ces derniers jours qui menacent dangereusement notre système judiciaire et lui font courir le risque d’un effondrement total ». Selon ce parti politique, « la décision illégale du juge Bélizaire de libérer deux accusés réputés pour leur appartenance à un gang criminel suivant en cela les recommandations du représentant du parquet, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. »

Personne ne se contentera de mesures cosmétiques comme les mises en disponibilité qui sont de la poudre aux yeux destinées à faire baisser la pression de l’opinion dans l’espoir que d’autres évènements feront oublier l’exaspération du moment, garantissant ainsi le fait accompli », dénonce la Fusion dans le communiqué.

Jeantel Joseph, l’un des responsables du Consortium national des partis politiques, réputé proche du gouvernement, a lui aussi dénoncé la façon dont Woodly Ethéart, alias Sonson Lafamilia, et Renel Nelfort ont été libérés. Selon lui, parce qu’il y a eu appel, le doyen du tribunal civil de Port-au-Prince n’aurait pas dû distribuer le dossier au juge Lamarre Bélizaire. « C’est une décision qui affaiblit le système judiciaire du pays », a-t-il dit au Nouvelliste.

« Nous savons tous que le juge Lamarre Bélizaire est un juge très controversé. Nous pensons que des corrections doivent être apportées », a-t-il exigé. Le politique a salué la décision du ministère de la Justice qui a mis en disponibilité le commissaire du gouvernement de Port-au-Prince et a appelé le CSPJ à faire de même contre le juge Bélizaire.

Selon lui, les autorités doivent envoyer un signal très clair afin d’éviter tout doute quant à l’indépendance de l’appareil judiciaire dans ce contexte électoral. Jeantel Joseph a fait savoir qu’il n’a aucune confiance dans l’appareil judiciaire et reste vigilant.

Toute son attention étant portée sur les élections, Me Jean-Henry Céant ne suit pas trop ce dossier qui a défrayé la chronique. « J’ai pris l’habitude de ne pas commenter un dossier que je ne connais pas », a dit le juriste. Cependant, il estime que le dossier a été traité avec beaucoup de passion. Toujours est-il : « Je fais confiance à la justice de mon pays », a-t-il affirmé, soulignant cependant qu’ il y a certaines choses qui se passent au niveau de la justice qui le dérangent. Mais, a-t-il ajouté, ce n’est pas une raison pour dire que le pouvoir vassalise le système judiciaire.

En revanche, le leader de l’organisation politique ‘’Renmen Ayiti’’ est surtout préoccupé par le fait que d’autres partis politiques, plus puissants, cherchent à voler ses candidats à coups d’argent et de moyens.

Après la mise en disponibilité du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Kherson Darius Charles, le ministre de la Justice a indiqué lundi matin sur Radio Magik 9 que le ministère public envisage d’exercer un recours en cassation contre la décision du juge Lamarre Bélizaire.