Ce 29 janvier ramène l’anniversaire de la mort de Gesner Henry, disparu en 1998. N’était l’invitation à participer à une émission de Ruth Occéan à Mélodie FM, la radio de Marcus Garcia et d’Elsie Ethéart, la date ne m’aurait pas accroché.m’a fallu aussi écouter l’émission de Captain Bill sur la même fréquence pour bien revivre ses refrains ce mercredi. Et pourtant, j’adore Coupé Cloué.

Ses mélodies, sa musique simple et répétitive, ses textes, du plus loin que remonte ma mémoire, de Trio Select à Coupé Cloué jusqu’à Coupé Cloué et l’Ensemble Select, m’ont toujours attrapé, retenu, ébloui.
Dans son style incomparable, d’une voix inusable (jamais une fausse note, a rappelé ce mercredi Rolls Lainé, de Djakout # 1, en citant Shoubou, le chanteur de Tabou Combo), M. Henry a su évoluer. Il a traversé quatre décennies en distillant hit après hit, traînant ses musiciens, avec un égal succès, d’un continent à l’autre dans toutes les bastions de la diaspora haïtienne, poussant même ses incursions en Afrique ou en Amérique latine chez des publics qu’il a su séduire.
Rares sont les paroliers et compositeurs haïtiens qui rendent une peinture plus limpide et profonde de l’âme haïtienne que le roi Coupé. L’homme, qui a usé ses nuits à Le Lambi, à la sortie sud de Port-au-Prince, plus que les autres orchestres, laisse dans la mémoire son goût pour les calembours, les métaphores et les prêches aux accents grivois, mais il ne fut pas que cela.
Coupé Cloué, le premier tèt kale, célèbre de la musique haïtienne, sous ses chemises africaines cachait des chansons sociales (Shada, Juje, juje m byen, Madan Marcel, La vie vieux nègre), des portraits au vitriol de nos délicieux petits défauts. (St Antoine, YeYe, Map di, Fanm kolokent, Gaçon colon, Donki) et aussi de scandaleux hymnes aux gros mots si bien dis que jamais la censure ne s’en préoccupa (Ti Tèt, En-dedans, Tu peux mettre).
A revoir les pochettes de ses 33 tours, big single et compact disc, des noms retiennent l’attention. Marc Duverger (Marc Record) ou Fred Paul (Mini Records) comme producteurs, Dernst Emile comme arrangeur, Robert Denis ou James Faber comme ingénieurs du son, Dominique Franck Simon comme photographe, brillent tous au firmament de la musique haïtienne. En plus de ses musiciens, Coupé Cloué a croisé sur sa route les meilleurs de sa profession.
Coupé Cloué, je l’ai rencontré une fois, à la soirée d’hommage aux Fugees. Il se déplaçait à l’époque en fauteuil roulant. Je ne l’ai jamais vu sur scène. Mon meilleur souvenir est un concert de lui sur la Télévision Nationale d’Haïti.  Sa seule longue interview je l’ai entendue sur Radio Kiskeya avec Sonny qui le pressait de questions pour comprendre le génie de ce fils du Bel-Air plus que de Léogâne, de cet ancien footballeur devenu musicien. Mais que de beaux souvenirs !
Comment la nation a-t-elle pu oublier ce monument de la musique haïtienne sans jamais lui rendre hommage sous quelque forme que ce soit ? Qui travaille sur une discographie raisonnée de son œuvre ? Quel musicien écoute et décrypte les albums de Coupé pour en sucer la substantifique moelle ?
Coupé Cloué Jr ou Barikad Crew avec Ban m Afè m lui ont, certes, rendu hommage, mais nous pouvons faire mieux. Coupé Cloué le mérite pou jan nou renmen Coupé.

Frantz Duval

Source: Le Nouvelliste