Les réactions aux propos du chef de l’Etat sur sa disposition à gouverner par décret en cas de caducité du Parlement pleuvent. Gare à une ambiguiïté : un décret n’est pas un décret-loi, soutient Mirlande Manigat qui dénonce une « porte ouverte sur la dictature ». Read More
Les réactions pleuvent après que le président Michel Joseph Martelly a affirmé mercredi à New York être prêt à diriger par décret en cas de caducité du Parlement, taxé l’opposition de violence et appelé au maintien de la composante militaire de la MINUSTAH jusqu’aux prochaines élections. « Il semble qu’il y a un consensus national à ce sujet. Tout le monde est contre le fait de gouverner par décret », a confié l’agronome Jean André Victor, coordonnateur du MOPOD.
L’agronome a rejeté l’étiquette « destructeur » accolée à l’opposition et mis en avant la contradiction entre les accusations du président Martelly contre l’opposition et le rapport présenté, il y a quelques jours à l’ONU, sur ce sujet par Sandra Honoré, la représentante du secrétaire général Ban Ki-moon. Ce sont les manifestations pour des raisons socioéconomiques qui sont souvent émaillées de violence, a souligné Jean André Victor, ajoutant que le chef de l’Etat souhaite le maintien de la composante militaire à son niveau actuel « parce qu’il craint les réactions négatives de la population ». « Il veut des troupes pour mater la population », a affirmé le coordonnateur du MOPOD, qui croit que le « président, avec ses propos, sans s’en rendre compte, a sonné le glas des consultations bidon qu’il avait entreprises avant son voyage à New York ».
La patronne de la Fusion, l’ex-sénatrice Edmonde Supplice Beauzile, qui avait décliné l’invitation à ces consultions qualifiées de « perte de temps », indexe la responsabilité du chef de l’Etat en cas de vide institutionnel censé permettre, croit l’exécutif, de gouverner par décret. « Le président Martelly sait qu’il y a des décrets qu’il ne pourra jamais prendre comme pour donner en concession l’Ile à-Vache, La Gonâve par exemple », a expliqué Edmonde Supplice Beauzile, prompte à rappeler au chef de l’Etat sa part de responsabilité dans la crise actuelle. « Je crois que le président doit faire son mea culpa et cesser de rejeter la responsabilité sur les autres acteurs », a-t-elle dit, rappelant qu’il est du devoir du chef de l’Etat de veiller à la bonne marche des institutions. « La Fusion n’a pas vu d’opposition destructrice par rapport au pouvoir », a affirmé Edmonde Supplice Beauzile, favorable à « un désengagement progressif de la MINUSTAH » qui n’a pas su aider au « renforcement réel de la PNH ».
Pour Sauveur Pierre Etienne, numéro un de l’OPL, « le président Martelly ne devrait pas penser à gouverner par décret ». Il incombe au chef de l’Etat de discuter avec tous les secteurs de l’opposition en vue d’épargner au pays le vide institutionnel qui déboucherait sur une situation dangereuse susceptible de renforcer l’emprise de la communauté internationale sur le système politique haïtien et sur le pays, a dit Sauveur Pierre Etienne.
Le chef de l’OPL a appelé les modérés dans les deux camps à œuvrer en faveur d’un « compromis politique pour renforcer les institutions démocratiques ».
Sauveur Pierre a conseillé au président de « ne jamais penser à répondre aux menaces de violence par la violence» face à l’opposition antidémocratique et déloyale qui menace d’utiliser des moyens violents pour renverser l’équipe au pouvoir.
S’exprimant sur la conjoncture, le consortium des partis politiques a réprimandé l’opposition radicale ayant appelé à manifester pour renverser le président Michel Joseph Martelly, a lancé un appel au dialogue. Jeantel Joseph a tancé des opérateurs politiques présents sur le terrain depuis des décennies ayant déjà appelé le peuple à lyncher des gens en 1986. En 1994, le peuple s’est mobilisé pour le retour d’un groupe de personnes au pouvoir. Le peuple n’a rien eu en retour, explique Jeantel Joseph, ajoutant que ces gens n’ont plus le soutien de la population. « Si le Parlement a failli à sa mission, le président sera dans l’obligation de diriger par décret », a-t-il dit dans la presse.
L’une des plaies pour le président Michel Martelly, Me André Michel, a dénoncé la volonté du pouvoir de se maintenir et d’utiliser des subterfuges pour se maintenir au pouvoir. « La Constitution n’autorise pas le président à diriger par décret », a-t-il souligné avant d’annoncer qu’il sera au Cap-Haïtien ce 27 septembre dans la manifestation contre le pouvoir Tèt Kale.
Mirlande H. Manigat, secretaire générale du RDNP et constitutionnaliste, a attiré l’attention sur une ambiguïté distillée à dessein par le pouvoir entre décret et décret-loi. « Il peut prendre des décrets, pas des décrets-lois », a-t-elle indiqué à nos confrères de Radio Vision 2000. Le décret permet par exemple d’appliquer une loi qui existe. C’est seulement pendant la période du CNG que la Constitution, dans son article 287-1, avait autorisé l’exécutif à prendre des décrets-lois jusqu’à l’installation du Parlement, a expliqué Mirlande Manigat, accusant le chef de l’Etat d’avoir une part de responsabilité dans le fort probable vide institutionnel de janvier 2015. « Parce qu’il n’y a pas de Parlement, il croit qu’il peut faire la loi. Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible, c’est la porte ouverte à la dictature », a dénoncé la constitutionnaliste qui affirme avoir critiqué l’ex-Premier ministre du gouvernement de transition (2004-2006) pour avoir pris des décrets ayant de facto et illégalement force de loi. « J’avais dis au Premier ministre Gérard Latortue qu’évoquer une situation exceptionnelle ne vous donne pas le droit de prendre des pouvoirs que vous n’avez pas », a expliqué Mirlande Manigat.
Le décret peut effectivement mettre en application une loi. Cependant, en Haïti, il y a des décrets de l’exécutif qui ont force de loi. Pendant la transition, entre 2004 et 2006, il y a eu tout un tas de décrets du genre. Ils sont illégaux, inconstitutionnels, car la Constitution donne uniquement au Parlement la prérogative des lois, a expliqué un juriste. Dans le camp de l’exécutif, c’est possible que l’on évoque « la théorie de la formalité impossible » et le « cas de nécessité » pour réaliser les élections sans loi électorale.